Mafia :
« Dans son rapport annuel publié en avril 2020, l’Office fédéral de la police (fedpol) disait avoir connaissance de plusieurs centaines de membres des mafias italiennes basés en Suisse. Il craint qu’ils soient présents dans toute la Suisse, et pas seulement dans les régions limitrophes de l’Italie, comme le Tessin, le Valais ou les Grisons. » (Le Nouvelliste, 2021).
« La Suisse est un point de repli et de liaison idéal pour les mafias italiennes, selon la fedpol. » (Le Nouvelliste, 2021).
Mafias présentes en Suisse
« Au total, le territoire compterait une vingtaine de cellules mafieuses, soit plus de 400 membres. La sicilienne Cosa Nostra et la napolitaine Camorra sont également présentes, mais la cellule calabraise ’Ndrangheta (sud-ouest de l’Italie) reste l’organisation criminelle italienne la plus représentée en Suisse, selon le dernier rapport de la fedpol. » (Magat, 2020).
« La Suisse est un bastion de la ’Ndrangheta, explique Madeleine Rossi, journaliste indépendante et auteure du rapport «Mafias italiennes en Suisse, panorama, perception et cadre législatif», publié en italien en mai 2019. L’organisation est présente sur tout le territoire et dans de nombreux domaines économiques, comme la restauration, la construction, la gestion des déchets, les transports de matériaux.
Extrêmement structurée au niveau hiérarchique, l’organisation a installé sa présence dans toutes les régions du pays mais principalement dans les cantons méridionaux (Tessin, Valais et Grisons), le long de la frontière avec l’Allemagne et dans les agglomérations de Zurich et de Bâle. « Et ici aussi, souffle Patrice Bayard, ancien propriétaire de restaurants à Genève. Dans la région, de nombreux restaurants sont prospères, avec des loyers exorbitants, mais une clientèle rare. On se demande forcément d’où proviennent leurs fonds. » (Magat, 2020).
Dans tout le pays
« L’Office craint qu’ils ne soient présents un peu partout dans le pays, pas seulement dans les régions limitrophes de l’Italie, comme le Tessin, le Valais ou les Grisons, mais dans toute la Suisse.
Une cellule de la ‘Ndrangheta avait par exemple été détectée à Frauenfeld (TG) et 9 membres arrêtés en 2016. En 2018, un Italien, résidant à Longeau (BE), avait été condamné par le Tribunal pénal fédéral à 3 ans et 8 mois de réclusion. Il a été reconnu coupable de participation et de soutien à une organisation criminelle, en l’occurrence la ‘Ndrangheta. Le Tribunal fédéral a toutefois partiellement admis le recours du sexagénaire. » (Le Nouvelliste, 2021).
Blanchiment d’argent
« Selon la fedpol, les mafieux basés en Suisse sévissent dans le trafic de drogue et d’armes. Ils utilisent aussi la place financière suisse pour blanchir de l’argent et réinvestissent les recettes de leurs crimes, commis principalement en Italie, dans l’immobilier, la restauration ou « d’autres petites affaires ».
Certaines personnes en cavale arrivent même à obtenir un permis B, comme ce fut le cas des 2 mafieux arrêtés en Haut-Valais en 2016. « Ces personnes restent très discrètes, elles vivent comme tout le monde », expliquait la journaliste indépendante Madeleine Rossi dans une interview au Temps en 2019. Elles ne sont pas chez elles et savent qu’elles risquent plus gros qu’en Italie. Par ailleurs, si elles attirent l’attention, elles sont punies par la maison mère, explique la journaliste. » (Le Nouvelliste, 2021).
Pourquoi la Suisse plait tant aux mafias ?
- Une législation peu sévère
« Pour blanchir l’argent issu de leurs trafics, les organisations mafieuses peuvent mandater des « hommes de paille » (personnes au casier judiciaire vierge) pour créer de nouveaux comptes bancaires sur lesquels placer l’argent frauduleux. Une autre solution consiste à gonfler le chiffre d’affaire d’un restaurant avec de fausses factures pour faire rentrer en banque l’argent obtenu illégalement.
Les recettes de l’établissement sont alors plus importantes que ce qui a été réellement consommé par la clientèle. « Ce sont ces restaurants que l’on voit toujours vides, qui semblent n’avoir jamais de clients mais qui perdurent, détaille Madeleine Rossi. Malheureusement, ce processus est difficile à endiguer aujourd’hui parce qu’il y a un manque de moyens dédiés au contrôle de ces établissements ».
Les mafieux viennent en Suisse principalement pour légaliser leurs butins mais aussi pour se cacher des autorités italiennes, largement plus sévères. « Seul l’article 260 du Code pénal traite de la question et implique une peine maximale de 5 ans de prison alors qu’en Italie, la sentence est l’emprisonnement à vie», ajoute-t-elle. » (Magat, 2020).
- Des moyens de lutte insuffisants
« N’étant pas concernée historiquement par la mafia, la Suisse n’a que peu légiféré sur la question. « Pour les mafias, il est commode de commettre des crimes en Suisse, comme il est commode de les commettre dans le centre et le nord de l’Europe, soulignait Nicola Gratteri, procureur dans la région de Calabre dans une interview à Swissinfo en 2019. Les sanctions sont très faibles et le risque de faire l’objet d’une enquête n’existe que si la police italienne enquête déjà. » Les mafieux achètent également des armes plus facilement en Suisse. Au Tessin, le canton le plus touché par la ’Ndrangheta, l’unité spéciale anti-mafia est constituée de 2 enquêteurs uniquement. » (Magat, 2020).
Infiltration de la mafia
« Aujourd’hui, les autorités multiplient les opérations contre le crime organisé, en collaboration avec l’Italie.
«Imponimento» (imposition), voilà le nom de l’opération menée des deux côtés de la frontière par la Guardia di Finanza et les autorités suisses, qui a mené à l’arrestation de 75 mafieux et la saisie de 169 millions d’euros de biens fin juillet 2020. Cette opération sans précédent montre l’engagement des autorités dans la lutte anti-mafia. La mafia italienne est présente depuis de nombreuses années en Suisse, mais c’est par le démantèlement de la cellule de Frauenfeld que le public a pris conscience du problème. En 2014, dans un restaurant du canton de Thurgovie, 12 membres de la mafia calabraise, filmés à leur insu, discutent de leurs affaires. Cocaïne, extorsion et trafic d’armes : ils vantent auprès de leurs jeunes recrues le vaste choix d’activités qu’ils exercent facilement depuis plus de 40 ans en Suisse.
En mai 2020, de nombreux condamnés de l’opération « Crimine-Infinito » ont été libérés de prison dans le cadre d’une mesure pour limiter la propagation du virus. Ces mafieux étaient au cœur des grandes enquêtes qui ont exposé l’enracinement de la ’Ndrangheta en Suisse. » (Magat, 2020).